Les débuts silencieux du mal informatique
« Tu passes trop de temps devant cet ordinateur ! ». C’était en 1982. Ma mère me reprochait de gaspiller ce temps précieux qu’elle voyait galoper devant elle et il aurait fallu le superpouvoir d’une divinité grecque pour en ralentir la course folle et égrener les grains du sablier tombant au ralenti. Pour nous autres, gamins écervelés dont l’ingratitude était sans limite, dire merci à la vie, écouter le chant des oiseaux annonçant l’arrivée de l’astre solaire ou contempler le ballet des étoiles dans la chorée du crépuscule n’étaient que des plaisirs réservés aux petits vieux, imbéciles et grabataires ne comprenant rien aux nouvelles jouissances des grands débuts de l’informatique.
Et c’était quoi au juste, en ce temps là, passer trop de temps devant l’ordi ? J’ai personnellement vécu les grands débuts de la nouvelle ère de silice grâce à un mini ordinateur d’outre-Manche à 580 francs où il fallait taper un code de 12 pages pour voir s’afficher trois pâtés de pixels baveux sur écran monochrome aux ordres d’un clavier touches à la gomme, sans compter la journée à retrouver l’erreur de syntaxe, le « gosub error » d’un « out of memory » chronique. Nuançons toutefois ce gaspillage erratique d’une vie en construction à ces époques bénies : un ZX81 anglais, un TO7 ou MO5 français et même les incontournables Commodore germains ou premiers Apple yankees n’avaient pas vraiment la prétention de rivaliser avec une vie sociale emplie d’activités bien réelles et non encore asservies sous le joug implacable de cette chimère irrationnelle qu’on nomme « virtualité informatique ».
[style_image width= »620″ image= »https://www.coubeche.com/wp-content/uploads/2015/12/zx.jpg » url= »https://www.coubeche.com/wp-content/uploads/2015/12/zx.jpg » border= »no » lightbox= »yes » fade= »yes »]
Lord Clive Sinclair présentant le « Spectrum », seconde génération d’ordinateur individuel après le ZX81. Ce dernier, par son coût abordable, aura permis à des centaines d’adolescents de découvrir la programmation informatique et… les premiers jeux « virtuels ».
[br top= »10″]
La rage contre la machine
[style_image width= »620″ image= »https://www.coubeche.com/wp-content/uploads/2015/12/2001-a-space-odyssey-scene.jpg » url= »https://www.coubeche.com/wp-content/uploads/2015/12/2001-a-space-odyssey-scene.jpg » border= »no » lightbox= »yes » fade= »yes »]
La virtualité appartenait à la science-fiction, à Luke Skywalker jouant une partie d’échecs holographiques et encore ! Dans le monde de Blade Runner, les jouets étaient automatisés à l’ancienne, les réplicants-humains avaient la tête bien ciselée d’un Rutger Hauer et récitaient même des poèmes lyriques. En ces temps-là, on voyait l’informatique comme une sorte de dieu-démon indéfini, qu’il fallait surveiller et à l’occasion mater. On se souvient de Ripley dans le premier opus d’Alien. Pour communiquer avec le grand tout électronique de son astronef, notre héroïne de la saga cosmique de l’horreur devait pénétrer dans une salle confinée, tapissée de diodes luminescentes, un saint des saints où la relation homme-machine se faisait au moyen d’une interface désuète mais où les réponses sentaient le souffre numérique. On avait déjà la trouille de l’intelligence artificielle. Stanley Kubrick, dans son odyssée spatiale, huis-clos solitaire hautement philosophique à l’ère des grandes messes grégaires de Woodstock et mai 68, s’est fait un plaisir à décérébrer Hal 9000, « l’oeil rouge » de la malfaisance machinale. En ces temps là, le credo était simple : quand bien même il n’en resterait qu’un, l’homme sera toujours le plus fort et vaincra.
Dans nos visions sur l’avenir du futur, on ne perdait pourtant pas le nord, on gardait l’esprit serein, on prenait des rendez-vous par téléphone fixe même si ces derniers avaient un écran de télévision intégré, on s’écrivait encore des lettres qui dépassaient la limite des 140 caractères, on pouvait discuter, en pleine rue, sans qu’une sonnerie pavlovienne ne transforme notre interlocuteur en animal aux abois, les lèvres balbutiant des onomatopées, l’oeil qui vous regarde dans le nulle part et la bave informatique à la commissure de ses hémicycles.
[style_image width= »620″ image= »https://www.coubeche.com/wp-content/uploads/2015/12/ivan-pavlov-in-the-laboratory.jpg » url= »https://www.coubeche.com/wp-content/uploads/2015/12/ivan-pavlov-in-the-laboratory.jpg » border= »no » lightbox= »yes » fade= »yes »]
Le père des « Réflexes conditionnels : Le prix Nobel de médecine Yvan Petrovitch Pavlov et son équipe »
[br top= »10″]
Ces années là.
Les années 80 ! Une autre époque. L’internet que l’on connaît aujourd’hui n’existait pas encore ou presque, il était à l’état expérimental, coincé dans une cuve où baignait du silicium. Il végétait dans les supercalculateurs d’ingénieurs fous, travaillant sur des normes protocolaires utopiques. Ces derniers pouvaient toujours rêver en douceur. « Deep Blue » n’était qu’une larve embryonnaire et même dans les années 90, il cogitait laborieusement. On avait de la marge pour devancer ses coups, Kasparov lui mit une vraie raclée avant de s’en prendre une monumentale le jour de la revanche des machines. Nos ingénieurs, en ce temps là, avaient probablement le coeur bon et l’âme tranquille, comme tous ces savants qui veulent faire avancer la planète, comme Einstein avant qu’on vienne lui annoncer la mort, en une fraction de seconde, de centaines de milliers d’êtres vivants vaporisés à Hiroshima et Nagasaki. En 1997, Kasparov feignant une fausse fatigue, déclara forfait devant Octobrain au bleu profond dans un pitoyable « J’suis fatigué… ouin ! ». Ce fut le début de notre fin, le jour du grand soulèvement. Aujourd’hui, même le plus grand des champions du monde auquel on aurait greffé les cervelles des meilleurs gagnants de l’histoire des échecs ne peut plus battre un simple smartphone sous androïd chess mobile, on est tombé bien bas, c’est l’ère de notre déchéance annoncée, le grand remplacement de l’homme par les descendants du ZX.
[style_image width= »620″ image= »https://www.coubeche.com/wp-content/uploads/2015/12/kasparov_vs_deepblue.jpg » url= »https://www.coubeche.com/wp-content/uploads/2015/12/kasparov_vs_deepblue.jpg » border= »no » lightbox= »yes » fade= »yes »]
Le grand maître des échecs, Garry Kasparov, lors de sa défaite face au supercalculateur « Deep Blue » en 1997
[br top= »10″]
La vérité vraie
La vérité est que, de nos jours, on a plus le temps à rien de vrai. On est presque mort d’avoir tout vécu en ligne. Avec cette vie connectée sur l’artifice, on s’est transformé en encyclopédie trivial-pursuit, la connaissance parcellaire, le verbe péremptoire, le jugement à l’emporte pièce, on croit tout savoir et l’on déblatère, on nie, on renie, on s’ingère dans toutes les affaires, on réécrit l’histoire selon nos humeurs de derrière l’écran, on s’invente un personnage du bout de la touche, on est l’homme force et superman sous dix couches de costume mental, on survole le monde du haut de notre rempart de plastique et l’on vit la life non pas telle qu’elle est mais comme l’on voudrait qu’elle soit.
A cocher ou décocher ses « amis » d’un simple clic, on surpasse le Docteur Mengele, sur la rampe, dans ses choix sélectifs : toi à droite, toi à gauche. Dans nos mimiques sociales sur le Net, on singe virtuellement un type qui tenait en joue les gens du bout superficiel de la vie. On broute l’information comme une baleine son plancton, on se dit chaque matin : « Voyons voir ce qui se passe aujourd’hui dans le world monde » tout en enfouissant les tragédies ou les bonheurs de la veille dans la poubelle de nos mémoires bientôt amnésiques car incapables de digérer cette boulimie. Il n’y a d’ailleurs plus de système digestif, notre conscience est une sorte d’intestin grêle qui évacue sans cesse : pas le temps à la réflexion, on a développé une agueusie des sentiments. Dorénavant, il faudra beaucoup plus qu’un gamin mort au bord d’une plage méditerranéenne pour nous faire réagir, il nous en faut chaque jour davantage, c’est l’heure de la soupe quotidienne à base de brouet de bouc en farce, de petits oisillons bleus cuits, de salade sauce mails au naze, le ragot en tube sans oublier le dessert sorbet de nouvelles fraîches des pâtisseries Blogues et la spécialité du chef : salmigondis coulis sur complosphère.
[style_image width= »620″ image= »https://www.coubeche.com/wp-content/uploads/2015/12/idiocratie.jpg » url= »https://www.coubeche.com/wp-content/uploads/2015/12/idiocratie.jpg » border= »no » lightbox= »yes » fade= »yes »]
On mourra probablement d’une cérébralite ou diabète mental, conséquence d’une surcharge informationnelle due à cette infobésité chronique. Ce nouvel état de choses est une véritable aubaine pour ceux qui raclent le fond des cerveaux, les liposuceurs du ciboulot à prêcher dans les eaux de la catilinaire, traînant leurs tongues dans les forums la harangue de haine au bout du fil. Les voilà maintenant galopant sur la toile, ils ne surfent pas, eux, le net n’est pas pour cette engeance là un loisir. Ils ont trouvé l’arçon de combat et attendent la venue du grand Attila, celui qui les mènera dans les steppes de l’info stérile et rasera tout sur son passage pour ne laisser pousser que la chienlit. On survivra alors dans une sorte d’idiocratie, à parler de rien sur n’importe quoi mais toujours en expression libre. On aura un débit de 30 mots utiles au vocable général, de nos corps en atrophie, on clavotera au doigt ou à l’oeil, à la manière d’un Stephen Hawking. On ne boira sous dialyse que du soda verdâtre enrichie d’édulcorants respectant la bio-éthique, on mangera tous les plats en compote avec une paille fluo carton dégradable, les cinémas ne projetteront plus que des navets survitaminées aux effets 3D avec pour acteurs les doubles numérisés de stars humaines empaillées dans les musées de cire et nos dépouilles, réchauffement climatique oblige, seront recyclées à l’âge de cristal dans une marmite mortuaire four solaire fabriquée en Corée de Chine.
[br top= »10″]
LIVE INBOX : l’informatique tranquille
En attendant ces jours d’un vent mauvais, il y a des petits rien qui rendent l’informatique bien paisible. Live INBOX, un heureux plugin dédié au traitement de l’information ce qui en fait, par définition, un vrai outil informatique. On ne perd plus de temps à retrouver qui a écrit quoi à qui. Voici, d’un clic, Live Inbox vous retrouve la conversation professionnelle perdue, il fait ressurgir la pièce jointe maudite enterrée sous des kilomètres de données binaires et ressuscite le mail agonisant les mots doux de cette éternelle passante oubliée en chemin. Live Inbox prend la peine d’organiser, de chercher, de retrouver la petite brindille mémorielle perdue dans le vaste champ de votre correspondance électronique. Vous me direz que ce n’est pas grand-chose, mais c’est déjà un grand pas pour vous faire gagner quelques micro-minutes de temps libre et vous aider à faire de la hierarchie, à filtrer l’indispensable nécessaire et virer le reste sans poser de fausses questions, c’est de notre temps de vie qu’il s’agit. Je ne sais plus qui, parmi les primo créateurs, avait dit un jour : « L’informatique a été conçue uniquement pour permettre à l’homme de gagner du temps ». Il semblerait que la petite équipe de surdoués indiens ait fait preuve de grand respect envers l’une de ces injonctions.
Live Inbox, spécialement pour les 50 premiers lecteurs qui auront pris la peine de lire ce texte marathonien de 10000 caractères – à peine plus d’une page de traitement de texte -, grâce au coupon-code indiqué sur l’image ci-dessus, pourront bénéficier d’une remise dans l’achat de ce logiciel additionnel développé pour les utilisateurs du client mail Outlook.
En attendant, quiconque saura rester 3 jours au moins sans son smartphone ou laptop pourra gagner un séjour d’une année sur la planète Mars. A son retour, notre héros, mi homme, mi extraterrestre, devra passer un dernier test : choisir de dire bonjour aux plantes qu’il rencontre et de taper la causette aux arbres et aux oiseaux ou de se précipiter sur son profil facemachinchose à l’affût des derniers like avant d’ouvrir sa boite débordant de courriels nouveaux.
JM Lovermind