Cultivons les graines de Champions

Jeudi 14 Avril 2016, la pelouse du Stade national Gouled Aptidon accueillait plus de 400 footballeurs (un record en une seule et même après-midi!) âgés de 5 à 17 ans. Cette grande réunion de graines de champions, au-delà de sa dimension sportive, offrait une belle occasion aux enfants et adolescents, garçons comme filles, de partager tous ensemble efforts physiques, respect disciplinaire, plaisir et passion du ballon rond. Une occasion aussi de repérer les talents et de se rappeler que pour avoir de grands athlètes, une nation doit cultiver le terreau de l’enfance pour en faire germer l’excellence sportive.

Mais qui de mieux placé pour nous parler de cette manifestation pleine d’avenir, si ce n’est son organisateur et fondateur ? Voici donc une interview exclusive de Mohamed Elmi Abar, aussi connu sous le surnom de Gabobe, qui vous éclairera davantage sur l’Académie de Football Djiboutienne.
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Entretien avec M. Mohamed Elmi Abar, dit Gabobe

– Bonjour M. Gabobe, pouvez-vous vous présenter en quelques mots et nous parler de votre parcours et de votre implication dans le sport et le football à Djibouti ?

Je m’appelle M. Mohamed Elmi Abar plus connu sous le pseudonyme de Gabobe. J’ai 45 ans et je travaille actuellement au sein de l’Imprimerie Nationale.
Après une carrière de footballeur de 10 ans dans le haut niveau, je suis devenu entraîneur en 1998 et intègre après 2 ans d’exercice la Division 1 au sein de la Direction technique de la Fédération Djiboutienne de Football et plus particulièrement dans le staff technique de la catégorie U15 (moins de 15 ans).
En 2002, je pars effectuer un stage sur l’entraînement du football des jeunes en France, à Clairefontaine. Dans la foulée (en 2003), je participe à un stage de perfectionnement sur la méthodologie d’entraînement des jeunes co-organisé par la Fédération Hollandaise (KNVB) et la fédération Burkinabé de football. Puis en 2005, j’effectue un dernier stage de haut niveau en Allemagne, à Henef. A mon retour au pays, j’expérimente ma première école de football sur le terrain synthétique de la caserne militaire de la Garde Républicaine. De 2005 à 2008, on y encadre un effectif de 150 jeunes âgés de 7 à 15 ans.
Au niveau national, je suis désigné en février 2008 par la fédération Djiboutienne de Football pour diriger l’équipe nationale senior dans les phases éliminatoires de la Coupe du Monde 2010, en Afrique du Sud. Puis en février 2014, j’exerce à la tête de la sélection nationale des moins de 20 ans (U20).
Après cette longue parenthèse en sélection nationale, je reviens à mes premiers amours, l’encadrement de jeunes footballeurs. Et en mars 2015, est créé sous le statut associatif, la première école de football en République de Djibouti. Et dans l’attente de l’octroi d’une parcelle de terrain, nous exerçons actuellement nos activités au sein du Stade Gouled moyennant le paiement de frais de location annuelle.

– Présentez-nous l’Académie de Football et comment vous avez pu concrétiser son organisation ?

Il s’agit de la seconde édition après celle organisée au mois d’octobre 2015. Mais, la manifestation sportive du jeudi 14 Avril 2016 se différencie de la première édition par deux aspects majeurs :
l’effectif des jeunes participants (400 jeunes contre seulement 150 jeunes lors de la première édition) et la présence des enfants des familles françaises qui résident à Djibouti.

Sur le plan de l’organisation, nous avons reçu le soutien des Ets COUBECHES en ce qui concerne le rafraîchissement et les Coupes mais aussi de la part de l’entreprise «Les HALLES » pour les médailles. Pour le reste, nous avons mobilisé nos éducateurs et engagé quelques dépenses.

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– Pouvez-vous nous présenter les objectifs et missions de l’Académie de Football ?

L’objectif général est d’offrir aux enfants et aux jeunes adolescents un lieu d’encadrement sportif et sécurisé mais aussi une formation régulière à la pratique structurée du football permettant leur développement sportif, moral et social.

Les missions que nous nous sommes assignés sont triples :

Tout d’abord répondre au problème de manque d’aires de jeu et à l’inaccessibilité des infrastructures existantes en utilisant tout l’intérêt qu’offre « le football à effectif réduit » qui consiste à faire évoluer sur un terrain classique de football à 11, divisé en plusieurs petites surfaces de jeu, un maximum de petits garçons et de petites filles. (Football Animation)

Puis promouvoir le développement du football national par la base (dès le bas-âge) pour mettre en place tout un programme de formation des jeunes détectés sur une base purement sélective à travers l’organisation d’événements sportifs comme celui du jeudi 14 Avril. (Football Elite)
Enfin en s’appuyant sur l’aspect populaire, mobilisateur et fédérateur du football, notre Académie de Football souhaite agir comme un dispositif éducatif et social en informant, éduquant et inculquant les notions de règles de vie communes et les valeurs nobles de ce sport-roi en République de Djibouti comme le respect des règles, des adversaires, la discipline de caractère, l’esprit de tolérance, de solidarité et la découverte de la vie en groupe ou en société (caractère socio-éducatif)

– Combien de jeunes y ont participé cette année ?

En tout et pour tout 400 jeunes ont participé à cette deuxième édition dont 80 jeunes de nationalité française. Les jeunes sportifs étaient repartis en 6 catégories d’âges détaillés comportant plusieurs équipes : Catégorie Éveil (nés en 2010-2011), Catégorie Débutants (nés en 2009), Catégorie Pupilles (nés en 2008), Catégorie Poussins (nés en 2006-2007), Catégorie Benjamins (nés en 2004-2005), Catégorie Minimes (nés en 2001-2003), Catégorie Cadets (nés en 1999-2001).

– Quelles sont les valeurs qu’un tel événement est en mesure de transmettre auprès de la jeunesse ?

En plus des objectifs sportifs avec entre autres l’évaluation des acquis d’apprentissage et la possibilité de s’aguerrir dans la compétition dès le bas-âge, les vrais attentes d’un tel événement sportif se trouve dans sa capacité à rassembler et à fédérer une multitude de personnes de milieux et d’horizons différents afin de contribuer davantage à la cohésion sociale.
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– Selon votre opinion comment voyez-vous l’engouement de la jeunesse djiboutienne pour le sport en général et le football en particulier ?

Le football est sans conteste le sport-roi en République de Djibouti. Il est pratiqué dès le plus jeune âge avec une ferveur inégalée (pieds nus, sous la chaleur accablante) et dans les moindres espaces vides (ruelles, routes ou terrains vagues non-bâtis) avec seulement des cailloux en lieu et place des poteaux de but.
Fort malheureusement, il est regrettable d’observer ces dernières décennies que l’engouement de la jeunesse djiboutienne pour le football a tendance à s’essouffler et notamment pour les raisons suivantes : le Championnat national est faible qualitativement ce qui ne génère pas beaucoup d’admiration et il n’y a pas de « Star locale », puis la raréfaction accrue des espaces de jeu occupés désormais par des habitation et des commerces ce qui génère un manque de motivation pour aller jouer plus loin, enfin l’apparition de nouveaux hobbies ou loisirs dans la vie des jeunes comme la télé, les jeux vidéo, l’internet ou seulement errer dans les rues des quartiers à ne rien faire.
D’où l’intérêt qu’incarne notre projet sportif d’Académie de Football pour redonner de l’espoir et faire renaître cette flamme d’antan des années 80-90 et surtout la motivation pour ce sport chez les jeunes d’aujourd’hui.
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– Est-ce que l’Académie de Football a pour ambition de repérer de potentiels joueurs de haut niveau de demain ?

Oui bien évidemment et c’est vital et une obsession pour nous qui se disons techniciens de football. C’est l’objectif premier de notre Académie de Football qui consiste à détecter avant la fin de la saison sportive (avant le 31 juin 2016) au moins 16 jeunes talentueux respectivement dans les catégories U11 (âgés de 9-10 ans), U13 (âgés de11-12 ans), U15 (âgés de 13-14 ans) et enfin U17 (jeunes âgés de 16-17 ans).
Nous allons pour ce faire débuter au mois de septembre prochain la formation à proprement parler pour l’ensemble de ces catégories de jeunes et qui s’étalera sur 3 à 5 ans tout en s’autorisant des opérations de « peaufinage » consistant à intégrer des éléments qui auraient pu échapper à nos yeux lors des détections.

– Selon votre analyse que reste-t-il à faire pour améliorer un peu plus encore le développement du football à Djibouti auprès des jeunes ?

Dans un premier temps encourager la multiplication de pépinières comme la notre et plus particulièrement dans les quartiers populaires à forte densité en s’appuyant sur les structures et infrastructures existantes comme les Centres de Développement Communautaires (CDC).
Dans un deuxième temps restructurer les équipes d’élites (D1 et D2) en de véritables clubs sportifs dotés de siège (lieu de vie), d’un terrain de jeu en conformité et des équipes de jeunes (U15 et U17).
Enfin redynamiser la vitrine du football national qui n’est autre que l’équipe nationale mais qui ne bénéficie pas forcément de moyens adéquates.

– Et quelles solutions pour assurer un avenir plus solide dans le football de haut niveau national ?

Avant toute chose, il faudrait une volonté politique qui découlerait sur la mise en place de projet commun de développement du sport national et du football en particulier par BASE (chez les plus jeunes). Cela passerait inévitablement par la collaboration étroite des deux ministères ayant en charge la jeunesse à savoir le Ministère du Sport et de la Jeunesse et le Ministère de l’Éducation. 
Dans le même ordre d’idée mais sur le plan du financement ou du marketing, permettre aux partenaires-sponsors des clubs sportifs affiliées à la fédération de football de pouvoir bénéficier des réductions ou exemptions sur leurs importations propres .
Restructurer les équipes d’élites (D1 et D2) en des véritables clubs sportifs dotés de siège (lieu de vie), d’un terrain de jeu en conformité et des équipes de jeunes (U15 et U17).

– Je vous laisse le mot de la fin :

Bien que je ne me lasse jamais de contempler les visages radieux et épanouis des enfants à chacun de nos tournois, je ne peux m’empêcher toutefois de regarder derrière et de me dire que toutes ces années de sacrifices, en temps, en énergie et en moyens financiers (propre salaire) passées au service des jeunes de ce pays, auront été vaines si je ne me donne pas les moyens d’arrêter cette hémorragie collective de nos petits Mozart du ballon rond qui perdure encore et encore et de permettre à au moins un de nos enfants surdoués de faire ses preuves dans la haute sphère du football mondial. D’où la raison d’être de notre initiative unique en son genre en République de Djibouti.
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