L’équinoxe de Printemps, selon notre localisation géographique, connaîtra différentes interprétations climatiques. Il en est de même pour Pâques dont vous proposons, à travers cette modeste fresque chronologique, une mise en lumière des origines printanières de cette fête.
Un pouvoir fertile
An 23000 avant notre ère. L’hiver a été terriblement rude dans cette partie du sud de l’Europe. Les réserves se sont épuisées trop tôt, trop vite. Le petit groupe de chasseurs cueilleurs a perdu trois membres dont le jeune fils de la chamane. Dans ces sociétés préhistoriques primitives, la femme, au sein du clan, cumulait souvent les rôles de chef tribal et guide spirituel. Le feu crépite encore dans la grande salle caverneuse où, sur les parois humides, se projette, géante, l’ombre d’un homme piquetant la roche. Résonnent les derniers coups de micro-burin savamment manié parachevant l’oeuvre rupestre qui restera gravée pour l’éternité. [style_image width= »620″ image= »https://www.coubeche.com/wp-content/uploads/2015/03/grotte.jpg » url= »https://www.coubeche.com/wp-content/uploads/2015/03/grotte.jpg » alt= »grotte » width= »620″ class= »aligncenter size-full wp-image-11735″ border= »no » lightbox= »yes » fade= »yes »]
L’art de styliser les animaux a atteint son point culminant, on peut reconnaître maintenant la silhouette linéaire d’un animal bien familier : un lièvre. L’homme a enfin terminé son ouvrage et attend le signe approbateur de Mère. Le regard bleu triste de cette dernière s’est perdu dans un malheureux lointain, son chagrin est immense mais la survie du clan doit transcender toutes les douleurs personnelles, elle le sait, le combat continue et le printemps va s’annoncer dès l’aube prochaine. Les doigts de la chamane parcourent les sillons frais de l’emprunte gravée, la figure murale est parfaite, Mère peut désormais exécuter le rituel invoquant les pouvoirs fertiles de l’animal afin que cette nouvelle saison de chasse soit plus abondante encore et éloigne le spectre lugubre de la faim, du froid et des maladies qui auront durablement marqué, pour le genre humain aux balbutiements de sa grande épopée civilisationnelle, cette dernière période glaciaire.
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Et l’Ange de la mort passa au dessus d’eux.
– 1500. 14e jour du mois de Nissan, période qui annonce la germination des blés et la fertilité de la terre chez les bédouins du Sinaï. Sur une plaine désertique, s’étend un vaste champ de tentes nomades. A une déférente distance de cet amas compact de toiles bigarrées, se dresse, imposant, un édifice rectangulaire recouvert d’un épais voile noir porté par des colonnades couvertes d’or dont la rutilance, aux heures où le soleil devient flamboyant, décuple la majesté du lieu. Sur le parvis ceinturé par un ensemble de courtines de lin immaculé, un grand prêtre officie. Debout devant l’autel d’airain, il s’apprête, avec des membres de la tribu des Levi voués au sacerdoce, à recevoir les agneaux propitiatoires qu’apportent les fidèles venus accomplir le rite de la Pessa’h, ancêtre direct de la Pâques messianique. Le grand prêtre sacrifiera l’agneau « pascal » et les hébreux en aspergeront le sang les piliers de leur tente. Habillés comme s’ils étaient prêts à un départ précipité, ils mangeront le soir venu la viande rôtie accompagnée de pain sans levain et d’herbes amères en souvenir récent de la fameuse 10e plaie d’Égypte, dernière et funeste malédiction, la nuit où l’ange de la mort fit Pessa’h, « passa au dessus » des fils d’Israël et massacra tous les premiers nés d’Egypte, obligeant Pharaon à libérer, dans la hâte, les Hébreux du « pays de la servitude ».
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Éostre, la déesse du printemps
45 avant JC. Campement situé dans la région du Rhin inférieur. Un groupe de femmes s’affairent minutieusement à décorer les derniers œufs destinés à la fête. Dans quelques heures on célébrera Eostre, la Mère des mères dont l’esprit s’éveille dès les premiers rayons du soleil d’orient, le jour du grand équinoxe de printemps. L’évènement est d’importance, pour que la prochaine moisson abonde et que le gibier foisonne, on embellit des plus beaux motifs géométriques les oeufs, représentations miniatures du pouvoir fécond de la nature, le monde n’est-il pas né d’un œuf immense ? Les femmes, seules capables de transmettre les vertus créatrices, sont également à l’honneur ce jour là. Dans cette tribu où, depuis plusieurs centaines de lune maintenant et en raison des batailles de pouvoir contre les clans rivaux, les guerriers ont su depuis longtemps imposer leur domination sur le reste des membres.
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Rome brûle-t-il ?
18 juillet 64, un terrible incendie ravage complètement les quartier 3, 10 et 11 de la grande cité romaine. Seuls trois secteurs de la ville éternelle seront épargnés mais l’on compte des milliers de victimes et quelque 200,000 sans-abri. Très vite, Néron, l’empereur actuel, qui, toutes affaires cessantes, s’est empressé de porter secours aux victimes en déployant ses propres ressources, entend le grondement sourd de la plèbe l’accusant ouvertement, mais très probablement à tort, d’avoir provoqué le drame afin de satisfaire ses propres lubies de bâtisseur artiste fantasque. On l’aurait même vu jouer même de la Lyre à la vue du désastre, implorant la muse à composer un poème relatant la dramatique et légendaire chute de Troie, berceau originel des premiers Romains. Au lendemain de ce drame, dans les ruines encore fumantes, d’étranges prédicateurs annoncent que la colère du « seul vrai Dieu » s’est abattue sur Rome, apostrophant ouvertement « cette nouvelle Babylone », ville jadis honnie des prophètes antiques, ville de débauche et de luxure. On voit apparaître sur les murs des insulae divers graffitis en forme de poisson et l’acrostiche grec « Ichtus », symbole codé connu des adeptes de cette nouvelle « superstition » déjà très mal vue chez les Romains. Ce sont les disciples d’un certain Chrestos, agitateur politique mis à mort sur ordre d’un procurateur impérial dans la très instable province de Judée. Prosélytes avant tout, les fidèles de « Chrestos » pensent que cette terrible catastrophe est le moment choisi par Dieu pour punir Rome de ses innombrables méfaits et certains le font savoir à un mauvais moment. Néron, à l’instar de ses prédécesseurs soucieux de préserver l’ordre séculaire romain, voit là l’occasion de rabattre la colère de son peuple sur cette petite faction dissidente du judaïsme.
[style_image width= »620″ image= »https://www.coubeche.com/wp-content/uploads/2015/03/Le-martyr-des-chrétiens-par-Jean-Léon-Gérome.jpg » url= »https://www.coubeche.com/wp-content/uploads/2015/03/Le-martyr-des-chrétiens-par-Jean-Léon-Gérome.jpg » alt= »Le martyr des chrétiens par Jean-Léon Gérome » width= »620″ class= »aligncenter size-full wp-image-11737″ border= »no » lightbox= »yes » fade= »yes »]
Jugées le plus souvent sur la base d’aveux extirpés sous la torture, on mettra à mort environ 200 personnes de manière effroyable. Considérées comme des criminels de rang inférieur au simple citoyen selon les codes en vigueur, elles seront pour la plupart crucifiées, brûlées vives ou livrées en pâture aux bêtes sauvages des arènes. Cette première « grande » persécution, et il y en aura tout au long des deux siècles suivants, cimentera à jamais la foi de ces premiers Chrétiens romains qui continueront, tantôt en secret, parfois librement, à vivre leur foi et célébrer la « Pascha » à Rome. Une fête similaire à celle célébrée par les hébreux puisqu’elles se commémorent pratiquement à la même période (au printemps) à la seule différence que la nouvelle « Pâques » symbolise non plus la liberté retrouvée et la vie épargnée par le sang d’un agneau mais plutôt la rémission des péchés et le renouveau spirituel à travers le sacrifice d’un seul homme.
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Au nom de « Sol Invinctus »
An 313 de notre ère. Un empereur romain du nom de Constantin, adorateur de Sol Invinctus « Soleil invaincu » dont on célèbre officiellement le culte un … 25 décembre, met définitivement fin aux persécutions que subissent depuis plusieurs siècles déjà les Chrétiens de l’empire en promulguant l’Edit de Milan. Quelques années plus tard, en 321, il déclare le « Jour du Soleil », le dimanche, jour de repos hebdomadaire. En 337, on annoncera, sur son lit de mort, la conversion de l’empereur à la foi chrétienne. En favorisant la liberté religieuse et en plaçant la « nouvelle croyance » au même rang que les cultes impériaux, Constantin aura permis au Christianisme de devenir progressivement la seule et unique religion tolérée dans tout l’empire romain d’Orient et d’Occident avec pour fêtes principales, Pâques et … Noël.
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La fête du chocolat
Avril 2015. Le mois dernier, des pluies sporadiques ont annoncé non pas le début du printemps, mais bien la fin d’une saison fraîche. Comme pour le reste de la Corne de l’Afrique et la majeure partie de la péninsule arabique, la république de Djibouti ne connaît pas les silences mornes de l’hiver quand il étale la face blanchâtre de son linceul glacial. Elle ignore plus encore les charmes bucoliques et le vacarme vrombissant de cette nature dormante, presque apathique, qui va soudainement, au doucereux appel du printemps, s’éveiller à la vie. Dimanche 5 avril sera férié dans les écoles et lycées français de la capitale, c’est la veille du « lundi de Pâques ». L’arrivage massif de chocolat s’est étalé pour l’occasion dans les rayons des supermarchés Casino et Cash Center Leader Price. J’ai eu l’imprudence d’emmener les enfants avec moi et voilà qu’à l’appel des emballages aux couleurs qui pétillent, mon caddie s’emplit d’oeufs, lapins, poissons … J’attends que l’un de ces petits chenapans m’interroge sur la forme inhabituelle des chocolats. Mais non, il n’y aura pas chez eux ce genre de questionnement en décalage complet avec le plaisir gourmand que leur procurera le croquant et la douce saveur de ces friandises.